« Un sommelier est un ambassadeur, tant pour le vigneron que pour le chef cuisinier »

Mikaël Grou porte le titre de « Meilleur sommelier de Suisse ». Il nous explique comment il fait découvrir les vins suisses à ses clients et pourquoi chaque table est une scène.
© Jerome Favre
Wednesday 21 May 2025 Interview, Concours

En avril 2025, Mikaël Grou, chef sommelier du restaurant Le Chat Botté à l'hôtel Beau-Rivage à Genève, a été désigné meilleur sommelier de Suisse à la Haute école de viticulture et œnologie de Changins. Dans un entretien avec Swiss Wine, il parle de persévérance, de l'effet « wow » des vins suisses et des demandes difficiles des clients.

Mikaël Grou, avez-vous une recette pour votre victoire ?

S'il y en a une, c'est la persévérance. J'ai participé à des concours pendant 18 ans et j'ai rarement gagné. Le plus important était de ne pas abandonner. Cette fois-ci, j'étais mieux préparé et moins stressé, même si la pression était bien sûr forte après ma deuxième place en 2021.

Comment se prépare-t-on à un tel concours ?

J'ai essayé d'acquérir des connaissances aussi vastes que possible sur le vin, les régions, les cépages, les méthodes de production et le patrimoine culturel. Mais on ne peut jamais tout couvrir, le domaine est trop vaste. Il faut rester curieux et mémoriser même les détails qui semblent insignifiants. Par exemple, dans quelle partie du Tessin se trouve un village viticole particulier.

Paolo Basso, Mikaël Grou

Que signifie pour vous le rôle de sommelier ?

Un sommelier est avant tout un intermédiaire. Nous représentons le vigneron qui effectue le travail dans les vignes. En même temps, nous transmettons la philosophie du chef cuisinier. Nous racontons des histoires, à travers le verre et l'assiette. Et enfin, nous travaillons pour une entreprise qui a des objectifs économiques.

Qu'appréciez-vous particulièrement dans votre métier ?

Le contact avec les clients. La salle à manger est comme une scène de théâtre, et chaque table est une nouvelle pièce. L'échange direct est ce que j'apprécie le plus dans mon métier. Bien sûr, l'inventaire et la préparation font aussi partie du travail, mais le dialogue personnel est ce que je préfère.

Comment réagissez-vous face aux demandes exigeantes des clients ?

Plus c'est complexe, plus c'est passionnant. La préparation des concours aide énormément, car elle nous oblige à sortir des sentiers battus. Si un client australien demande un Syrah de son pays, je dois pouvoir lui proposer un vin similaire de Suisse. Peut-être pas identique, mais tout aussi fascinant.

Comment la carte des vins a-t-elle évolué au cours de vos cinq années au Chat Botté ?

Pendant la pandémie, de nombreux clients ont découvert les vins suisses. Lorsque les restaurants ont rouvert, ils ont voulu essayer de nouvelles choses, une impulsion dont nous avons tiré parti. Aujourd'hui, nous nous ouvrons davantage aux vins de pays comme l'Autriche, l'Allemagne et la Hongrie, et nous misons plus sur les vins suisses, notamment ceux de régions comme Saint-Gall ou Thurgovie.

Est-il difficile de convaincre vos clients de goûter les vins suisses ?

Pas du tout. Notre clientèle internationale est ouverte. Souvent, elle ne connaît pas encore les vins suisses et se laisse volontiers surprendre. Un Américain demandera peut-être : « Qu'est-ce qui ressemble à mon vin californien préféré ? » Une Espagnole dira qu'elle ne boit que du vin espagnol, et nous lui servirons un excellent Tempranillo de Genève. L'objectif est toujours de créer un petit effet de surprise.

Quelle part représentent les vins suisses sur votre carte ?

Environ un sixième, soit environ 200 références sur un total de 73 pages. Et la tendance est à la hausse.

Y a-t-il encore un potentiel de développement ?

Absolument. À Genève en particulier, il existe de nombreux petits domaines viticoles passionnants. Nous ne pouvons bien sûr pas travailler avec tous, mais je change régulièrement ma sélection. Cela nous permet de rester à la page et de donner à plusieurs producteurs la chance de se faire connaître.

Comment sélectionnez-vous les nouveaux vins ?

Il nous manque parfois un certain type de vin sur la carte, par exemple un Gamaret. Nous partons alors à sa recherche. Mais souvent, nous sommes surpris par quelque chose de complètement différent, comme un Aligoté. Le choix dépend aussi de la saison et de la carte. Ce que nous achetons aujourd'hui ne sera peut-être servi que dans quelques mois.

Comment va se poursuivre votre carrière dans les concours ?

Quand on remporte un concours, on a naturellement envie de continuer. Mais je dois aussi rester réaliste et prendre conscience de mes forces et de mes faiblesses avant de me lancer dans une nouvelle aventure, afin de décider si je veux continuer ou faire une pause. Pour l'instant, je ne sais pas encore.

Et comment se poursuit votre parcours professionnel ?

Je reste fidèle à Genève, mais je change d'établissement cinq étoiles dans les environs. Ce changement n'a rien à voir avec le titre, la confiance était déjà là auparavant.

Mikaël Grou

Suisse. Naturellement.