Un vin qui a du caractère : pourquoi Raphael Guggenbühl ne sert que ce qu'il connaît

Raphael Guggenbühl, du restaurant Rechberg 1837 à Zurich, sert des vins de vignerons suisses avec lesquels il se sent proche. Il explique pourquoi un Merlot tessinois peut être aussi surprenant qu'un Completer des Grisons.
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Tuesday 26 Aug 2025Gastronomie, Interview

Raphael Guggenbühl dirige le restaurant zurichois Rechberg 1837 avec son ami d'enfance Carlos Navarro et son frère Alexander Guggenbühl. Un lieu qui mise sans compromis sur les produits suisses, l'artisanat et la durabilité. Dans cette interview, il parle de son parcours personnel dans le monde du vin et de son attachement profond aux vignerons suisses.

Raphael Guggenbühl, comment êtes-vous venu au vin ?

J'ai découvert le vin à l'âge de 15 ans, lorsque je travaillais dans un hôtel cinq étoiles. À l'époque, c'était uniquement pour le plaisir. Plus tard, j'ai travaillé dans l'hôtellerie, comme concierge, vice-directeur et réceptionniste. Le vin était présent dans ma vie privée, mais pas dans ma vie professionnelle. Cela a changé lorsque nous avons ouvert le Rechberg 1837.

Quel a été le tournant ?

J'étais dépassé. Chaque jour, des négociants en vin venaient me voir et prétendaient que leur vin était le meilleur et le plus durable. Mais je n'avais aucune idée si c'était vrai. Je ne pouvais que les croire sur parole, et cela ne me suffisait pas. J'ai donc commencé à m'intéresser de près à la viticulture, à l'histoire et à la production du vin.

Vous vous êtes donc formé en autodidacte ?

Oui. J'ai beaucoup lu et regardé des documentaires, notamment sur l'histoire de la viticulture en Suisse. Puis est venu un moment décisif : le vigneron zurichois Stephan Herter a visité notre restaurant. La conversation a été tellement inspirante que j'ai approfondi mes connaissances sur le monde du vin. Un autre exemple est le vin mousseux de Patrick Adank. Tout le monde disait qu'il avait une « couleur saumon extra ». Mais Patrick lui-même a expliqué qu'il avait laissé le moût trop longtemps sur la lie, une erreur qu'il a ouvertement reconnue. Cette honnêteté m'a enthousiasmé. Depuis, ce vin est notre vin mousseux principal.

Comment sélectionnez-vous vos vins aujourd'hui ?

Uniquement par le biais de contacts personnels. Nous visitons chaque domaine viticole nous-mêmes. Nous observons comment le travail est effectué dans les vignes, si des herbicides sont utilisés, comment le vin est pressé. Nous voulons savoir s'il s'agit d'un argumentaire de vente ou d'un véritable engagement envers la nature. Nous ne commandons auprès de négociants que dans des cas exceptionnels.

Pourquoi ce contact personnel est-il si important pour vous ?

Parce que seul un contact direct permet de comprendre les intentions qui se cachent derrière un vin. Il ne s'agit pas seulement de biodynamie, mais aussi d'une approche consciente de la nature et d'une véritable conviction. Si nous ne ressentons pas la passion pour le vin chez un vigneron, c'est rédhibitoire pour nous.

Vos clients s'intéressent-ils vraiment à cette dimension ?

Pour beaucoup de clients, c'est un bonus appréciable, mais pour nous, c'est essentiel. Nous essayons de repousser les limites dans tous les domaines du restaurant et recyclons par exemple les assiettes et les verres cassés. Nous voulons que tout dans le restaurant ait une histoire.

Et comment votre sélection de vins suisses est-elle accueillie aujourd'hui ?

Très positivement. Il y a dix ans, beaucoup ne voulaient que des vins français, italiens ou espagnols. Mais nos clients ont désormais pris conscience de la qualité des vins suisses. Ils sont souvent meilleurs que ceux des pays voisins. De nombreux vignerons suisses travaillent avec beaucoup de soin et ont de faibles rendements. Nos vignobles ne comptent généralement que deux à cinq hectares, ce qui est rare dans le commerce de détail.

Comment faites-vous découvrir des vins inconnus à vos clients ?

En les proposant de manière ciblée, par exemple dans le cadre de notre « voyage œnologique », où un vin suisse est servi avec chaque plat. Nous encourageons également nos clients à visiter notre cave. Quand on voit les bouteilles, on est curieux.

Venons-en au Merlot : que pensez-vous personnellement de ce cépage ?

Personnellement, je bois rarement du Merlot, mon cœur bat pour le Pinot Noir. Mais j'apprécie les Merlots élégants, qui séduisent par leur puissance et leur profondeur. Ce que je trouve particulièrement intéressant, ce sont les différences : du Merlot lourd et tannique qui accompagne un steak au Merlot fin, presque filigrane, qui se marie avec un fromage à pâte molle, tout est possible.

Et comment classeriez-vous le Merlot tessinois par rapport aux Merlots internationaux ?

Le Tessin offre une énorme diversité. Certains Merlots tessinois sont difficilement comparables aux Merlots internationaux. Je pense qu'il faut moins différencier les régions et davantage les domaines viticoles. Au nord des Alpes aussi, les Merlots deviennent de plus en plus intéressants. Les conditions climatiques en Suisse alémanique sont désormais aussi bonnes pour le Merlot qu'au Tessin.

Y a-t-il des plats au Rechberg que vous associez spécialement au Merlot ?

Nous n'avons pas de plats fixes, nous cuisinons avec ce qui pousse dans les champs et ce que les agriculteurs nous proposent. Nous travaillons exclusivement avec des matières premières biodynamiques suisses, sans poivre, café ou vanille. En principe, nous choisissons le vin en fonction du plat et non l'inverse. Nous savons quels domaines viticoles produisent des Merlots plutôt élégants ou puissants, et nous prenons notre décision en fonction de cela.

Si vous ne deviez plus boire qu'un seul vin suisse, lequel serait-ce ?

Sans hésiter, le Pinot Noir, pour son élégance et sa complexité. Et pour les vins blancs, le Completer : ce cépage a une histoire fascinante, et un Completer mûr est une véritable expérience sensorielle.

Comment voyez-vous l'avenir du vin suisse ?

En termes de qualité, nous sommes à un très haut niveau. De nombreux vignerons travaillent encore vraiment à la main, ce qui n'est souvent qu'une affirmation ailleurs. Je pense que le vin suisse sera de plus en plus recherché à l'international. À long terme, cela pourrait même poser un problème : nous produisons trop peu. Et la demande va continuer à augmenter.

Suisse. Naturellement.